UNE ODYSSÉE AMÉRICAINE Chants spirituels et hymnes populaires
Après un voyage dans la musique ancienne, l’ensemble choral de Joigny vous propose cette année une plongée dans la polyphonie spirituelle des États-Unis du 19e siècle.
Depuis la rentrée, les choristes explorent en effet un tout nouveau répertoire, méconnu et peu donné en France : les cantiques et hymnes populaires américains.
Cette musique polyphonique riche et vivante témoigne de la profonde spiritualité du peuple américain et nous montre ô combien le chant était une pratique cultuelle et culturelle de grande importante.
INTRODUCTION AU RÉPERTOIRE
Lorsque dans la première moitié du 18e siècle, des milliers de britanniques immigrèrent aux États-Unis, ils apportèrent dans leurs maigres bagages leur foi mais aussi leur musique traditionnelle, laquelle nourrira considérablement le « façonnage » des cantiques au tout début du 19e siècle. Les différents grands réveils religieux que connurent les États-Unis, l’évangélisation constante, la ferveur religieuse du peuple et son habitude du chant donnèrent lieu à un répertoire immense de cantiques d’inspiration folklorique et populaire, lesquels s’encrèrent dans une tradition vernaculaire omniprésente au 19e siècle et forgèrent ainsi l’âme fondatrice des États-Unis.
Une tradition fortement ancrée dans le quotidien et renforcée par la création, sur tout le territoire, d’une multitude d’écoles de chant qui avaient pour but de répandre l’utilisation de la musique écrite dans le chant de la congrégation. De ces écoles, devenues une vraie institution culturelle, naitra un tout nouveau système de notations musicales imaginé par les enseignants pour aider à apprendre à chanter à vue : les « shape-notes » (notes à formes géométriques). Bon nombre des chants que nous travaillons sont issus de recueils de cantiques à shape-notes.
CHOIX DES CHANTS
Devant l’offre pléthorique de cantiques et hymnes spirituelles, l’ensemble choral puise son répertoire dans 4 recueils de grande importance qui ont été édités au 19e siècle :
Publiés au nord du pays : The American vocalist et The Revivalist La particularité du recueil The Amercian Vocalist réside dans le fait que la ligne mélodique des cantiques est souvent tenue par la voix de ténor plutôt que celle de soprano. Ils sont pour la plupart en mode mineur avec une harmonie simplifiée, rappelant parfois la chanson française de la Renaissance. Les partitions comportent des dièses et bémols à la clé, conférant à la musique une écriture presque tonale, même si la tierce (qui, dans la musique détermine la modalité) est souvent volontairement mise de côté pour le caractère plus austère de l’exécution.
Le recueil The Revivalist, plus tardif, a été publié en 1868, pendant la guerre de Sécession. La plupart des cantiques ont une seule ligne mélodique pour se chanter à l’unisson. On y trouve beaucoup de chants à répondre d’inspiration militaire car la guerre de sécession a beaucoup influencé l’écriture des cantiques collectés à cette période.
Publiés au sud du pays : The Southern Harmony et The Christian Harmony.
Ces deux recueils collectés et publiés par le maitre de chant William Walker regroupent des cantiques à shape-notes. Contrairement aux recueils du nord, l’écriture reste mélodique à toutes les voix et évoque les styles de chant en contrepoint du Moyen-Âge européen (rappelant parfois des compositeurs comme Léonin ou Machaut). Ici aucune dièse, aucun bémol sur la partition, l’écriture est plus modale.
Les textes étaient classés par mètres poétiques, permettant de choisir une mélodie appropriée et interchangeable. Dans le visage de l’hymnodie américaine, il est donc fréquent de voir qu’une même hymne (poème religieux) se prête à des mélodies différentes selon les états et les périodes, et que, parallèlement, une même mélodie s’adapte à différentes hymnes.
Largement influencés par les traditions orales des îles Britanniques et de la vieille Europe, ces cantiques strophiques ou fugués seront l’occasion (entre autres) de partager avec le public les deux incontournables chants :
Shepherds rejoice dont l’air est celui de la célèbre chanson écossaise Auld lang syne qui a donné en français Ce n’est qu’un au revoir. Amazing grace lequel, d’abord nommé New Britain, est le cantique du répertoire américain qui figure parmi les plus enregistrés de l’histoire de la musique.
Mais notre programme abordera également les belles monodies des shakers, une étonnante communauté austère et pacifiste, dissidente des Quakers, laquelle a vu le jour en Angleterre et a considérablement influencé le visage culturel américain.